Si mon sang avait été d'une autre valeur, notre relation serait-elle différente ? Il m'arrive parfois de m'imaginer d'ascendance totalement moldue. M'aurait-il tout de même acceptée parmi ses proches ?

Le soir où nous nous sommes rencontrés, je l'ai vu rosir à la vue de mon sourire; celui qu'il m'a renvoyé était naturel. Pas forcé par la bonne conduite ou par politesse, non : il semblait content de parler avec moi, tout simplement, sans se douter qu'il parlait avec une sang-mêlée.

Il paraît haineux envers ce qu'il ne connaît pas; je n'ai jamais connu un tel raciste dans le monde magique. Il a tendance à croire qu'il a toujours raison et que tous ceux qui sont d'avis contraire ne valent pas plus que des petits rats dont il faudrait se débarrasser. Il crache la médisance dont il a héritée sans se soucier un instant de ce que peuvent penser les autres; et c'est bien pour ça qu'il n'est pas bien entouré.

Lorsque ses insultes parviennent jusqu'à mes oreilles, je me demande si j'ai bien fait de faire en sorte qu'Océane et lui se rencontrent. Il a sa propre conception du bien et du mal; d'un côté, les bons se révèlent être des sangs-purs à l'éducation irréprochable, et le reste ne vaut plus rien; de l'autre, tout ce qui touche de près ou de loin aux nés-moldus - sans parler de son rejet vis-à-vis de l'image que renvoient deux garçons qui s'aiment profondément. Là toutefois, je pense qu'il s'agit plus d'un avis personnel développé avec le temps plutôt qu'une idée acquise par la pédagogie offerte par sa famille - mais je ne peux pas m'empêcher de prendre certaines remarques pour moi, car je suis consciente qu'Oz a un penchant pour la gent masculine. Qui me dit qu'il n'a pas déjà offusqué mon frère en mon absence ? Qui me dit qu'il n'a pas des pensées offensives à l'égard de mon père - qu'il sait né-moldu ? Qui me dit qu'il n'a pas déjà ressenti une impression de dégoût contre moi ? Qui me dit, qu'au final, il continue à me côtoyer seulement car je suis la seule l'ayant volontairement approchée en faisant abstraction de son comportement insupportable ?

S'il déteste tant les nés-moldus, pourquoi fréquente-t-il Océane ? Pourquoi me fréquente-t-il, moi qui ai le sang souillé par le mélange de deux "races" différentes ?

Il la couvre de cadeaux, n'a de cesse de lui répéter à quel point il est heureux de l'avoir rencontrée, à quel point elle est géniale et très gentille. Est-ce juste par intérêt ? Peut-être qu'il souhaite à tout prix la garder auprès de lui pour que les élèves aient la preuve qu'il peut discuter convenablement avec une personne comme elle ? Aura-t-il le même comportement lorsque son père en entendra parler ? Lui qui ne semblait pas bien heureux de me voir lorsque j'ai passé mes vacances chez son fils (quoique je m'y étais préparée). Retournera-t-il sa veste si sa famille sait qu'il fréquente Océane ? Peut-être n'assumera-t-il pas leur lien et la fera passer pour une sorcière au sang-pur ?

Il s'est cependant montré volontaire pour améliorer ses relations avec les autres - parce que je lui ai demandé. Si je ne l'avais pas fait, je suis convaincue qu'il serait, à l'heure actuelle, encore seul.

"Il y a malgré tout certaines idées que je partage avec mes parents, même si je suis en désaccord avec eux sur certains points".

Comme tout le monde, je dirais. Mais ces idées en question que tu partages sont détestables, là est le problème. J'aurais aimé te savoir animé par la conviction. Pourquoi est-ce que tu ne te bats pas pour avoir tes propres idées ? Es-tu sûr d'être promis à une grande âme si tu restes aussi influençable, sans chercher à contrer la corruption de ton père ... ? Tout ce qui t'intéresse ... c'est la pureté d'une descendance, rien d'autre ... ? J'aurais tout essayé, mais j'ai parfois la triste impression que tu es condamné à garder ce point de vue là toute ta vie. Il est vrai qu'il faut une sacrée dose de courage pour oser aller à contre-courant.

"Sache, Evalyn, que la dernière personne de ma famille à avoir fui un mariage arrangé est morte à cause de son moldu d'amant."

Je me souviendrai toujours de ton horrible ton condescendant depuis cette soirée dans la grande salle. Tout était bien parti, pourtant. On passait un agréable moment entre amis. Et les propos se sont entrechoqués, et je ne regrette bizarrement pas ce que j'ai pu te dire lors de notre dispute. Je reste campée sur le fait que tu te forces à faire beaucoup de choses pour faire plaisir à ton père - qu'importe le reste. Et si le souci de la pureté du sang te dérange encore, je me répète, mais ... je ne sais pas si notre amitié durera - car je suis autant attachée à la valeur de ma généalogie que toi, et jamais je n'aurai l'impression que les nés-moldus ou les sangs-mêlés sont inférieurs aux sangs-purs.

Malgré tout ça, j'ai presque honte de l'avouer, mais ... j'ai pendant un temps senti que mon comportement changeait en ta présence. J'ai eu l'impression de me démarquer des autres. D'être quelqu'un de particulier, à tes yeux. Tu m'as quand même invitée chez toi, et je suis consciente que c'est un grand signe de notre amitié - du moins, je l'espère.

Tu as beau avoir des pensées néfastes sur beaucoup de monde; tu as beau juger avant de connaître; tu as beau plus détester qu'aimer .. moi, étrangement, je t'apprécie pour ce que tu es.

Et je dirais même que je suis amoureuse de toi malgré tout ce que tu as pu dire ou faire de malhonnête - je suis amoureuse de quelqu'un qui prend du plaisir à insulter et à ridiculiser les origines de ceux qu'il considère comme "inférieurs". J'ai la désagréable impression d'avoir développé des sentiments pour toi, Andrew. Et tu l'as dit toi-même; l'amour rend faible. Ce n'est pas un avantage, mais un fardeau qui alourdit les sentiments et les dérange dans le sens mauvais du terme.

... J'ai envie de pleurer.