"It is our choices who show us who we truly are" -Albus Dumbledore
Berlin - 2010
Sa petite main qu'il serrait doucement dans la sienne, la montée pavée qui les mènerait chez eux, les rires de son fils qui bondissait joyeusement à ses côtés, et la douce brise du vent... Tout cela aurait dû lui sembler paisible. Une merveilleuse fin de journée, accompagnée d'un beau coucher de soleil, qui les saluait une dernière fois avant de s'endormir. Pourtant, malgré l'allégresse, l'exaltation, à l'idée de rentrer en Allemagne pour retrouver son mari, qu'il aurait dû éprouver, Kiku se sentait anxieux. C'était même un faible mot. Terrorisé aurait été plus juste. Car mis à part ce petit garçon de 11 ans fraîchement arrivé à Poudlard, c'était une mauvaise nouvelle qu'il apportait avec lui. Pas forcément mauvaise pour lui, cela dit. Voir ce sourire resplendissant sur le visage de Lilien était tout ce qui suffisait à son bonheur. Le voir heureux était tout ce qu'il lui fallait pour l'être aussi. En revanche, il connaissait quelqu'un qui, risette ou pas sur le visage de son enfant, serait bien moins enchanté de l'information que Kiku lui apportait. En effet, Ludwig n'était sûrement pas prêt à entendre ça.
L'annonce de ce qui allait sans doute mettre la maison Beilschmidt sens dessus dessous remontait au lundi précédent, lors de la rentrée à l'école de sorcellerie pour le jeune allemand. Son père n'avait pas pu l'accompagner dans le Poudlard Express, mais il lui avait fait mille recommandations avant que son fils ne monte à bord du wagon réservé au élèves. Ils venaient de traverser la barrière de la voie 9 3/4 sans aucun problème -Lilien avait même trouvé ça très amusant de passer à travers le mur, alors que Kiku était apeuré, la première fois qu'il l'avait fait. Devant la locomotive rouge vif qui crachait de la fumée sur le toit en verre de la gare, ainsi que sur les élèves et leurs parents, le japonais s'évertuait à remettre en place les vêtements du garçon, pour être sûr qu'il soit présentable, alors qu'il n'y avait pas un pli qui dépassait. C'était simplement nerveux chez lui.
▬ Papa, c'est bon, je suis bien habillé, là... se plaignit l'allemand en jetant des coups d’œil mal à l'aise autour, s'assurant que personne ne regardait. ▬ D-Désolé, je veux juste être sûr que tout se passera bien pour toi. Oh, attends, tu as un...
Il passa son pouce sur sa joue pour chasser un cil imaginaire, mais l'autre se débattit un peu, passant automatiquement dans la langue natale de son papa, comme à chaque fois qu'il paniquait:
▬ Oto-san, yamero! ▬ Go-gomen, tu avais juste...
Il semblait un peu nerveux de le laisser partir tout seul comme ça. Il avait agi de la même manière la première fois que Lilien était allé à l'école. Même si c'était Poudlard, école qui avait toute sa confiance -maintenant que les tragiques incidents de son époque avaient pris fin-, son fils rentrait tout de même au collège, qui était une étape très importante dans la vie d'un jeune sorcier. Qui sait ce qui pouvait lui arriver, parmi ces élèves débutants ou doués en magie? Il avait déjà dû se baisser dans la foule lorsqu'un pétard Fizwizbiz avait filé au dessus de sa tête, manquant de lui crever un œil. Le propriétaire était arrivé en courant, puis avait aperçu Kiku, qui était son professeur de botanique, et avait immédiatement perdu son sourire. Le japonais l'avait jaugé d'une manière assez menaçante pour qu'il ne recommence pas... du moins il croyait l'avoir fait. Comme d'habitude, il avait sûrement juste hoché la tête en bafouillant une excuse. Son autorité en tant qu'enseignant était à refaire. Après quelques conseils de dernière minute, il avait finalement laissé Lilien monter à bord du train, lui adressant un dernier signe tout en retenant ses larmes. Quand son fils fut installé dans un compartiment et se pencha par la fenêtre, il soupira et le sermonna:
▬ Papa, arrête de pleurer! Tu fais ça à chaque fois! Je vais le dire à Vati, si tu continues.
Kiku essuya ses yeux d'un revers de manche et lui sourit pour le rassurer.
▬ Ca va aller! Fais-toi pleins d'amis dans le train. ▬ Bien sûr que oui! À tout à l'heure!
Et il rentra la tête, commençant déjà à bavarder avec un élève de sa cabine. Kiku rejoignit sa voiture avec une pointe au cœur, mais il savait que son garçon se débrouillerait comme un chef pour sympathiser avec ses camarades.
Il avait aussi cherché son fils des yeux à la sortie du train, ainsi que lors de la traversé du lac, depuis la barque réservée aux professeurs. Il priait pour ne pas trouver le moindre chagrin sur son visage, au cas où il aurait eu des soucis avec un autre élève. Il était si inquiet qu'il avait à peine fait attention au ciel étoilé et resplendissant, qu'il contemplait à chaque rentrée, d'habitude. Il ne put revoir son fils qu'une fois assis à la table des enseignants, dans la Grande Salle, lorsque les premières années firent leur entrée. Les plus âgés étaient déjà installés, attendant avec excitation de découvrir leurs successeurs, ou juste de se remplir la panse avec le délicieux banquet à venir. Il repéra vite sa tête blonde parmi les autres enfants, et se retint de lui adresser un signe de la main qui lui ferait définitivement perdre toute crédibilité. Il le regarda simplement se placer avec les autres devant le tabouret où était posé le fameux Choipeau magique, celui-là même qui l'avait envoyé à Serdaigle 25 ans plus tôt. Il en gardait d'ailleurs toujours un souvenir anxieux. Il espérait que cela se passerait à merveille pour son fils, et qu'il accéderait à la maison qu'il désirait. Maintenant qu'il y pensait, Lilien n'avait jamais vraiment manifesté d’intérêt particulier pour les maisons dont lui et Ludwig lui parlaient. Il les écoutait d'un oreille distraite et disait qu'il verrait bien où il irait. Mais son Vati fondait sans aucun doute de grands espoirs en lui, et son papa, pour ne pas trop lui mettre la pression, peut-être un tout petit peu moins d'espoirs.
Il vit les élèves, des lettres A à B, défiler sur le tabouret, envoyés chacun leur tour à la table dont les aptitudes leur correspondaient le plus. Finalement, le principal adjoint appela sur l'estrade le nom tant attendu de Lilien Beilschmidt. Quelques rares adolescents dans l'assistance haussèrent un sourcil. Sans doute des allemands, qui se demandaient pourquoi le garçon nommé s'appelait "Lys". Kiku leur lança un regard en les défiant de rigoler. Lilien monta sur la plateforme, et s'assit sur la chaise, avec l'air de trépigner d'impatience. L'adjoint s'avança et plaça doucement le couvre-chef sur sa tête, qui glissa un peu sur ses yeux. Sa bouche déchiré s'ouvrant, ses yeux de chiffon se plissant, il commença à marmonner des paroles que seul le jeune sorcier pouvait entendre, et auxquelles il semblait répondre. Que n'aurait pas donné Kiku pour avoir des Oreilles à Rallonge et écouter leur conversation! Après quelques secondes d'un bavardage animé, et ce dans le plus grand des silences, le chapeau ouvrit grand la bouche, et s'exclama:
▬ Gryffondor!
Oh, très bien, Gryffondor c'est tout à fait......... PARDON?!
Son sourire se figea sur son visage alors qu'il avait amorcé un geste pour applaudir avec les autres, ses yeux s'agrandissant seule preuve de son décès intérieur. Les élèves de la maison rouge et or applaudirent bruyamment pour accueillir leur nouveau membre, et les professeurs avec un peu plus de calme -tous sauf Kiku. Il essayait de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Cela devait être une erreur. Lilien Beilschmidt ne pouvait tout simplement pas aller à Gryffondor. Pas que Kiku ait quoi que ce soit contre eux, au contraire. C'était surtout Ludwig qui avait du mal à les supporter. Il n'avait même jamais soulevé la possibilité que leur fils puisse appartenir à cette famille. Il ne parlait que de Serdaigle, pour leur curiosité et leur originalité, de Serpentard, pour leur détermination à atteindre des sommets, et de Poufsouffle pour leur... gentillesse. Et le fait que Lilien aimait les gâteaux, comme son Vati. Et tout le monde sait que les jaune et noir vivent à côté de la cuisine. Bref, il se demandait comment le désir d'aller à Gryffondor avait pu traverser l'esprit du petit allemand. Son fils n'était pas téméraire, pas irréfléchi, bien qu'il ait un certain sens du courage et de la justice. Il avait toujours été un enfant très calme, avide de connaissances. Alors pourquoi ce choix? Quelque chose clochait...
Une fois installé à la table où il sembla très vite s’accommoder à ses nouveaux camarades, Lilien lança un regard à son père en lui adressant un grand sourire. Il semblait vraiment heureux, fier d'être là, comme s'il l'avait toujours voulu. Kiku n'eut pas le cœur à gâcher son bonheur, et se mit à applaudir à son tour avec une risette. Il essayait de relativiser. Quoi qu'il fasse, il savait que son fils se débrouillerait à merveille, quelque soit la maison dans laquelle il était. C'était un garçon intelligent, enthousiaste et juste. Maintenant, une autre étape de cette affaire se révélait bien plus chaotique. Il fallait annoncer la nouvelle à Ludwig. Il était sûr qu'il ne réagirait pas de manière calme à cette nouvelle. Et Kiku voulait à tout prix éviter que son mari ne tue les espoirs de leur fils dans l’œuf, ou qu'il lui donne l'impression qu'ils étaient déçus de lui. C'était la pire chose qui pouvait arriver, pour Lilien: que ses parents ne soient pas fiers de lui. Sans oublier que son Vati pouvait se révéler très dur en ce qui concernait l'éducation des enfants. Il se rappelait, un jour où Lilien apprenait à marcher, et que Ludwig était dans un mauvais jour, qu'il lui reprochait de ne pas réussir à mettre un pied devant l'autre, allant presque jusqu'à lui ordonner de se tenir debout. Kiku avait dû intervenir avant qu'il ne s'énerve, trop frustré pour accepter qu'il faille du temps à ce genre de choses. Tout cela pour dire que s'il lui annonçait que son fils n'avait été placé dans aucune des maisons qu'ils avaient espérées pour lui, l'allemand n'allait sans doute pas réagir de manière très réfléchie.
La première semaine de cours de son fils sembla se dérouler sans accro. Il paraissait très heureux de retrouver son père lors des cours de botanique, et peut-être un peu moins heureux lorsqu'il fallait s'occuper des plantes. En réalité, il n'était tout simplement pas doué pour prendre soin de ces dernières, et pourtant, Kiku avait tout fait pour lui apprendre tout ce qu'il savait lorsqu'il était jeune, comme l'avait fait sa mère avec lui. Décidément... Il espérait qu'il se révélerait meilleur en Histoire de la Magie, mais après en avoir discuté avec l'enseignant qui dispensait cette matière, il se rendit compte que ce n'était pas mieux. Décidément! Francis, devenu professeur de potion, le chariait souvent en faisant remarquer que Lilien n'avait suivi aucun des chemins tracés par ses deux parents. Le japonais essaya malgré tout de ne pas montrer son désarroi à son fils jusqu'au week-end où ils rentreraient chez eux. Avant qu'ils ne transplanent ensemble en Allemagne, depuis le village de Pré-Au-Lard, Kiku s'assura que son fils portait bien des vêtements moldus. Autant éviter une crise cardiaque immédiate à Ludwig, ce qui aurait eu des chances d'arriver s'il avait vu son enfant débarquer en uniforme rouge et or. Ils montaient donc désormais la pente douce en direction de leur maison, quand Kiku aperçu la grand banderole déployée sur la façade avant, décoré de grandes lettres d'or. Son mari ne pouvait vraiment pas s'empêcher de frimer... Lilien sembla enchanté de voir ça, s'imaginant déjà acclamé par son père une fois rentré. De plus, il sentit par la fenêtre ouverte la délicieuse odeur du chocolat tout juste sorti du four. Les yeux brillants, il courut vers le perron, lâchant la main de son père.
▬ Vati a fait un gâteau!
Le japonais eut un petit sourire, bien qu'il le suive péniblement sur la montée. Chacun des membres de la famille raffolait des gâteaux de Ludwig, si bien qu'à chaque invitation, on lui demandait d'en ramener un, hôte ou pas. Mais c'était toujours un plaisir pour lui, et Kiku ne se gênait pas pour se joindre à lui. Lilien savait alors qu'il aurait un goûter magnifique, et prétendait posséder les meilleurs papas de la Terre. Son souvenir fut chassé par le retour de son anxiété, alors qu'il imaginait la réaction future de l'allemand. Une fois arrivé à ses côtés, il mit un moment avant d'ouvrir la porte, la main sur la poignée en prenant une inspiration.
▬... Papa? ▬ T-tout va bien, je réfléchissais juste...
Il lui sourit pour le rassurer, mais lui-même en aurait bien eu besoin. Il entra finalement, s'arrêtant dans l'entrée pour poser leurs affaires. Les fenêtres de toute la maison étaient grand ouvertes, baignant chaque pièce de la belle lumière de crépuscule. Il se détendit un peu, comme chaque fois qu'il rentrait ici. C'était leur foyer, leur havre, et rien ne l'apaisait plus de d'être entre ses murs. Son fils ne l'attendit pas et se rendit directement à la cuisine, se jetant tout de suite dans les bras de Ludwig lorsqu'il l'aperçut.
▬ Vati!
Depuis le couloir, Kiku pouvait entendre les aboiements des chiens qui venaient tous accueillir leur petit maître, ainsi que la douce voix de son mari, qui souhaitait un bon retour à son fils. Il les rejoignit, contemplant d'abord, appuyé sur l'encadrement de la porte, les deux personnes qu'il aimait le plus au monde. Il les regardait se serrer dans cette étreinte si agréable. Dès que les pieds de son fils eurent retrouvé le sol, c'est lui qui vint enlacer Ludwig, se noyant dans ses bras pour ensuite venir l'embrasser, un peu sur la pointe des pieds -comme ils l'avaient prédit, l'allemand avait continué à grandir, mais pas le japonais. Autant le mettre dans de bonnes disposition avant de lui annoncer la nouvelle...
Feat Ludwig and Lilien Beilschmidt
Kikoo, la victime
Mon personnage Citation: "One is not born a wizard, one becomes one"
"It is our choices who show us who we truly are" -Albus Dumbledore
Berlin - 2010
Comme il lui avait manqué... Tout dans sa vie avec Ludwig était tout ce dont il avait rêvé. Une grande maison contenant leurs moindres souvenirs, un enfant adorable et destiné à de grandes choses, des animaux pour leur tenir compagnie, un elfe aimable, des amis fidèles et amusants... Lui qui avait eu une enfance difficile, tout avait changé avec Poudlard, en bien ou en mal, et particulièrement grâce à l'un de ses meilleurs amis. Lorsqu'il observait Lilien, il avait parfois l'impression de revoir cet allemand un peu imbu de lui-même, gonflé d'orgueil, son sparadrap sur la joue, et qui lui avait tendu la main dans le dortoir des Serdaigles, le jour de la rentrée. "Moi, c'est Ludwig Beilschmidt! Enchanté!". Dans ces moments-là, il installait sans raison son fils sur ses genoux, et le serrait contre lui, le remerciant d'être là, d'être la preuve de son amour avec l'allemand. Et il remerciait aussi ce dernier d'avoir changé sa vie. Même son travail à Poudlard ne lui permettait pas de se distraire autant qu'il le souhaiterait. Il s'occupait l'esprit grâce aux élèves, leurs questions et les plantes dont ils devaient s'occuper, juste quelques instants, puis la mélancolie le rattrapait et lui faisait regretter un peu de ne pas être à la maison. En cela, son boulot de professeur serait à la fois épanouissant et éprouvant. Il pensait dur comme fer, lors de sa scolarité, que lui et Ludwig seraient tous les deux professeurs, dans leurs domaines respectifs. Mais les sombres événements de l'époque en avaient décidé autrement. Déjà, il avait dû attendre son retour pendant six mois, alors qu'il avait été envoyé à Azkaban, complice des Sans-Visages qui sévissaient à l'école. Il avait achevé ses études, et s'était tout de suite mis à la recherche d'une maison peu coûteuse en Allemagne. Après tout, il ne pouvait continuer à vivre chez Senka, qui avait quitté la maison de ses parents pour s'installer avec son petit-ami. Il se disait qu'un logement dans le pays natal de Ludwig ferait parfaitement l'affaire pour quand il reviendrait enfin. Passant toutes les épreuves nécessaires pour devenir enseignant, il tuait le temps en étudiant ou en s'exerçant à l'oral pour ses futurs cours. Comme il s'y attendait, il était très anxieux lorsqu'il s'agissait de parler devant un auditoire. Faire son cours devant une classe de 30 élèves ne serait pas simple. Mais il s'accrocha. Il fallait qu'il le fasse. Il voulait se battre pour obtenir enfin la vie qu'il voulait. Il retournait parfois voir son père pour lui demander quelques conseils, comment être plus imposant, sûr de lui, ou comment être pris au sérieux. Parfois, la question de sa compagnie était abordée. Renge lui demandait quand l'allemand reviendrait. Il n'en savait rien. Mais il attendrait, espérant que ses amis du ministère l'en informeraient dès qu'ils auraient le moindre indice quant à sa sortie de prison. Il luttait un peu plus chaque jour, la solitude se faisant plus pesante à mesure que les mois s'écoulaient. Il voyait ses anciens camarades de Poudlard dès qu'il le pouvait. Pour oublier. Il allait manger avec eux, riait avec eux, et puis il rentrait, et se sentait de nouveau seul. Il aurait parfois souhaité posséder une Pensine pour pouvoir revivre tous les souvenirs de l'époque où il était étudiant.
Et un jour, il était enfin rentré. Peut-être avait-il obtenu l'adresse en quittant la tourelle perdue au milieu de l'océan, Kiku n'en savait rien. Toujours est-il qu'il était là, devant la porte. Et il était bien réel. Le japonais avait pleuré. Et sourit. Et il l'avait embrassé, une fois, dix fois, mille fois. Il l'avait serré contre lui, comme une promesse qu'il ne le lâcherait plus jamais. Il avait l'impression d'avoir passé ces six derniers mois à l'écart de la réalité, comme si tout ce qu'il accomplissait était vide, futile, si Ludwig n'était pas là pour le partager avec lui. Ils avaient passé quelques minutes ainsi, profitant simplement de la présence de l'autre, à prononcer leurs noms, comme si leur saveur avait été oubliée, tout ce temps. Et une fois leur bonheur retrouvé, Ludwig avait abordé le sujet. Un enfant. D'abord stupéfait, choqué par la soudaineté de cette demande, alors qu'il venait juste de rentrer, le japonais avait finalement accepté, un doux sourire aux lèvres -bien sûr qu'il l'avait fait. Et quelle merveilleuse idée cela avait été. Il s'en rendait compte, maintenant qu'il contemplait son petit garçon, qui venait enfin d'entrer dans le monde sorcier, comme ses parents il y a tant d'années. Il était si fier de lui... Et les paroles de son mari lui montraient qu'enfin, tout allait pour le mieux.
▬ Vous m'avez énormément manqué, vous deux. Venez dans la salle à manger, j'ai fait un gâteau.
Une phrase si banale, et qui pourtant le rendait vraiment heureux. Lilien, qui n'avait désormais pour seul désir que de dévorer la pâtisserie préparée par son père, courut se mettre à table, dans la pièce à côté. Cela fit doucement rire Kiku. Mais l'allemand parvint à briser ce petit réconfort avec une interrogation fâcheuse.
▬ Alors, dans quelle maison est notre petit sorcier ?
Figé, son sourire désespérément cramponné à ses lèvres, le japonais resta silencieux, regardant toujours la direction qu'avait pris leur fils. Il ne savait comment répondre à cette question tout en évitant une explosion de colère de la part de Ludwig. Heureusement, il n'eut pas à le faire, car un miaulement dans son dos le fit se retourner. Un chat au pelage aussi brun que le gâteau posé sur le comptoir essayait tranquillement d'en grignoter les bords. Ravi de cette diversion, Kiku s'avança vers lui, alarmé.
▬ Truffe, non! Ce n'est pas pour toi... Je te donnerai du poisson, si tu veux.
Il saisit le chaton qui se plaignit un instant, mais ne résista pas. Il se laissa juste reposer entre ses bras, docile. Kiku lui caressa gentiment la tête, et l'animal sembla apprécier ce geste, fermant les yeux en ronronnant.
▬ Je vais le ramener à Lilien... Il n'aime pas être trop séparé de lui.
Il quitta donc la cuisine sans se retourner, retenant un soupir de soulagement. Il avait évité de peu la catastrophe. Il vit en entrant le petit blond assis face à la table, ses jambes balançant dans le vide marquant son excitation et son impatience à l'idée du goûter que l'on lui apporterait bientôt. Son papa déposa le chat sur ses genoux, qui vint frotter sa tête contre la joue de son maître. L'enfant lui offrit des caresses en riant, attendri. Ces deux-là ne pouvaient vraiment pas se passer de l'autre. Kiku se rappelait le jour où Lilien et lui étaient allés à l'animalerie pour lui offrir son premier animal de compagnie. Il avait à peine deux ans. Cela remontait à si loin...
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▬ Choisis celui que tu veux, chéri.
L'enfant, fixant les parcs en fronçant les sourcils, semblait perplexe. Les petits chiens gambadaient dans l'herbe artificielle, se chamaillant en se roulant au sol. Certains faisaient une petite sieste dans un coin, bientôt dérangés par leurs compagnons. Il y avait des labradors, des bergers allemands, des beagles, et beaucoup d'autres races... Il fut un peu triste en apercevant un petit berger suisse qui lui rappelait Anja, décédée deux ans auparavant. Tous les animaux qu'ils avaient à Poudlard avaient malheureusement disparu, y compris Shin'ju. Une fois installés, lui et Ludwig avaient acheté Philip et Panji pour retrouver cette affection dont ils avaient tant besoin: la compagnie des boules de poils. Il se rappelait encore ce moment où il avait amené à l'allemand un petit shiba inu tenant pratiquement dans la paume de sa main, alors que l'autre était accompagné d'un énorme chien des Pyrénées. Ils s'étaient regardés un moment, stupéfaits, et avaient finalement ramené les deux à la maison. Et aujourd'hui, c'était à leur fils de choisir quel animal partagerait ses années à l'école, ainsi que son avenir.
Lilien semblait vraiment hésitant. Il regardait une seconde un des chiots, puis passait à un autre, sans vraiment en retenir un ni en désigner. Après un moment de contemplation, Kiku finit par le regarder, haussant un sourcil, lui demandant tout en lui frottant le dos:
▬ Il n'y en a aucun qui te p-
Il n'eut pas le loisir de terminer sa phrase, car le petit garçon avait soudainement tourné la tête, et s'était éloigné de lui, prenant la direction du rayon d'à côté. Kiku le vit s'arrêter puis coller le nez à une vitre. Lorsqu'il le rejoignit, il découvrit que la cage de verre, remplie de litière, abritait... des chats. Surpris, il contempla son fils, dont les yeux brillaient d'envie à la vue de ces adorables bestioles.
▬... Tu veux un chat?
L'enfant leva vers lui un visage suppliant, comme s'il avait peur que ses deux papas n'acceptent que les chiens à la maison. Il se trompait. Le japonais sentit une joie immense l'envahir. Il était persuadé que le petit serait comme son vati, qu'il préférerait la compagnie des canidés. Il admirait son fils, le regard rempli d'émotion.
▬ Tu- tu préfères les chats... murmura-t-il, exalté, comme si c'était la plus belle nouvelle du monde.
Il s'accroupit à ses côtés.
▬ Lequel préfères-tu?
Lilien lui en désigna un aux poils bruns et à l'air soyeux, qui jouait avec une pelote de laine. Il donnait de petits coups de patte hésitants, reculant d'un bond dès que le jouet bougeait dans sa direction. Puis il guettait, et revenait vers la balle duveteuse pour s'amuser avec. Kiku eut un petit sourire. Il était parfait. Il appela un vendeur pour sortir l'animal de son ancienne maison, et ce dernier rentra dans les bras de son maître, prêt à découvrir la nouvelle. Bien sûr, une fois arrivés, Ludwig avait contemplé le chat de manière dubitative, s'assurant que c'était bien leur fils qui l'avait choisi, et pas Kiku. Mais la manière dont le petit blond tenait le chat contre sa poitrine était très clair. C'était lui et personne d'autre.
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Et cela l'était toujours. L'enfant avait passé ses années à jouer avec le chat, qui grandissait à ses côtés, pour devenir son plus fidèle compagnon. Même ses amis n'étaient pas aussi importants à ses yeux. Il préférait parfois jouer avec le félin qu'avec ses camarades. Kiku adorait prendre des photos de ces deux-là, car un pur bonheur s'affichait sur le visage de son fils chaque fois qu'il s'amusait avec Truffe. Il avait même conservé d'eux une belle photo où l'on les voyait endormis sur un banc à l'extérieur de la maison, l'ombre d'un arbre tachetant la peau de l'enfant et le pelage sombre du chat. Il l'avait affichée avec les autres clichés réservées à leurs animaux de compagnie et eux, sur une commode de la salle à manger. On pouvait aussi voir Philip allongé sur un Lilien qui se débattait, ou Kiku lisant un livre, Panji tentant d'attirer son attention en escaladant ses épaules, où le chien des Pyrénées, une fois de plus, qui se tenait debout, ses pattes sur les épaules de Ludwig, et qui était ainsi presque aussi grand que lui. Il vit d'ailleurs tous ces souvenirs paisibles du coin de l’œil, bien rangés dans leurs cadres. Et il remerciait aussi le chaton, intérieurement. Son intervention lui avait permis de repousser un peu plus la conversation fâcheuse qui ne tarderait pas à arriver.
Feat Ludwig and Lilien Beilschmidt
Dernière édition par Kiku Honda le Mer 4 Jan - 22:13, édité 1 fois
Kikoo, la victime
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Berlin - 2010
Lilien avait déjà attaqué sa part, sans attendre ses parents, l'appel du chocolat étant plus fort que tout. Voir cette délectation sur son visage, ce plaisir alors qu'il engloutissait chaque bouchée avec un sourire... Cette simple vue mettait Kiku de bonne humeur. En cela, l'enfant ressemblait énormément à l'allemand, à ceci près qu'il ne s'en cachait pas. Un homme viril et imposant qui aimait les gâteaux pouvait donner matière à rire, mais un garçon à peine entré dans l'adolescence dans la même situation avait de quoi attendrir. Son regard exalté était le même que celui que le japonais avait tant contemplé. Cela lui rappelait ce jour où le petit allemand n'avait su retenir son contentement, au point de commettre une bêtise...
Lilien, âgé de six ans ce jour-là, observait d'un air dubitatif les étranges boules de pâte gluante de toutes les couleurs que son père était en train de préparer. Il y en avait des roses, des vertes, des jaunes, et elle semblaient douces rien qu'à les regarder: un plaisir pour les yeux. Kiku, amusé par l'observation curieuse de son fils, lui répondit sans cesser de frapper la pâte sur le comptoir:
▬ Des mochis-ice, chéri. ▬ Qu'est-ce que c'est, des motshi-aïce?
Alors qu'il parlait, il tendit la main vers l'un des échantillons pour essayer de le porter à sa bouche.
▬ De la pâte de haricot rouge, fourrée avec de la glace.
Immédiatement, l'enfant se figea et lâcha la boule qui retrouva sa place avec les autres. Il observa la nourriture d'un air dégoûté, comme s'il se sentait trahi d'avoir été ainsi piégé.
▬ Il y a des haricots dedans?! cria-t-il, indigné.
Il fixait son père comme un génie du mal. Qui oserait utiliser un met aussi délicieux et sucré que de la glace, pour le mélanger avec des légumes?! Le japonais eut un rire alors qu'il découpait sa préparation en carrés égaux, amusé par la naïveté de son fils.
▬ Oui, mais ils n'ont pas le goût des haricots que tu connais, le rassura Kiku. La pâte n'a pas vraiment de goût, elle n'est là que pour la texture. La seule chose que tu sentiras, c'est la glace.
Sur ses mots, il se dirigea vers le congélateur et en sortit trois barquettes pleines de douceur gelée, respectivement à la mangue, au chocolat et au thé vert. À leur vue, les yeux de l'enfant se mirent à briller. L'ingrédient faisait parti de ses pêchers mignons. Même la concentration sur le visage de son père, alors qu'il tentait de produire des boules parfaites à enfermer dans la pâte, ne pouvait le détourner de la faim qui lui tordait à présent le ventre. Son cerveau imagina alors un plan machiavélique qui lui permettrait de s'éclipser avec la sucrerie tant désirée. Comme un chat à l'affût, il attendit que Kiku se tourne vers l'évier pour rincer l'ustensile lui permettant de fabriquer ses sphères de glace, et, aussi rapide que l'éclair, il s'empara de la boîte contenant le goût thé vert et s'enfuit à toutes jambes comme un voleur expérimenté dans un conte des mille et une nuits. Lorsqu'il se retourna, le père se rendit compte que son fils n'était plus là... et que la barquette qu'il comptait utiliser avait disparu sans laisser de trace. Inquiet, il appela, regardant autour, comme si l'enfant s'était juste caché quelque part dans la pièce pour lui jouer une farce:
▬... Lilien?
Du coin de l'oeil, un mouvement dans le jardin attira son attention. À travers les carreaux de la fenêtre, il vit son enfant traverser la pelouse et aller se réfugier derrière l'un des arbres près de la haie. Peut-être s'était-il lassé de le regarder cuisiner et qu'il avait préféré aller jouer dehors en attendant que le goûter soit prêt? Pourtant, il restait assis derrière ce tronc et ne bougeait pas, si l'on excluait cette étrange chose argentée qu'il plantait dans..... Il ouvrit immédiatement la fenêtre, se penchant à l'extérieur.
▬ Lilien!
Il aurait souhaité que sa voix soit autoritaire, mais elle lui sembla seulement contrariée, ou même inquiète. Retirant à la va-vite son tablier et l'abandonnant sur le comptoir, il quitta la cuisine et sortit sur l'herbe fraîche, rejoignant son fils, toujours dissimulé comme un criminel qui avait réussi un très bon coup. Installé tranquillement contre son if, Lilien dégustait allègrement le pot de glace, à la cuillère. Il semblait très fier de lui, mais Kiku l'était beaucoup moins. Il tenta de prendre une pose sévère, poings sur les hanches, alors que son enfant prenait enfin conscience de sa présence, le couvert toujours dans la bouche. Se sentant menacé, il rentra la tête dans les épaules et lui tendit la barquette.
▬... Tu en veux?
Le japonais avait aujourd'hui honte de dire qu'il avait ri, malgré lui. Il ne pouvait tout simplement pas gronder son fils pour une chose aussi adorable. Et puis, ce n'était pas bien grave. Il le prévint simplement qu'il n'aurait pas dû s'enfuir comme ça avec son butin, qu'il aurait dû demander la permission, s'il en désirait à ce point-là. Et puis Kiku avait besoin de cette glace pour sa préparation. Il lui demanda gentiment d'attendre encore une petit heure avant de pouvoir manger quoi que ce soit. Le garçon tâta son ventre comme s'il lui demandait la permission, puis, regardant son père le plus sérieusement du monde, répondit:
▬ Le ventre est d'accord.
Amusé, Kiku le ramena à la maison en le portant -difficilement; à cet âge là, cela commençait déjà à être lourd, un enfant!-, chantant une chanson de pirates pilleurs de navires qu'Arthur lui avait apprise lors de leurs années à Poudlard.
Ce genre de petits incidents était fréquent. Les deux allemands de la famille avaient souvent du mal à supporter l'absence de sucre, alors ils préparaient toutes sortes de pâtisseries, à des heures impossibles. Kiku revenait parfois du travail, épuisé par sa journée, pour trouver ses deux amours dans la cuisine, tout ingrédients sortis, en train de préparer un gâteau alors que c'était bientôt l'heure de dîner. Il eut un sourire dans son coin, se rappelant ces fois où la pièce était envahie par un nuage de farine, les ustensiles éclaboussés de chocolat. Mais encore une fois, son souvenir fut chassé par l'interrogation pertinente mais non moins embêtante de son mari:
▬ Alors, fiston : quelle maison as-tu rejoint ?
La sueur lui montant de nouveau au visage, il observa son fils du coin de l’œil alors qu'il finissait sa part, comme s'il ne voulait en laisser aucune miette. Cette vision était maintenant extrêmement angoissante pour Kiku. Aucune distraction ne les sauverait, cette fois. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière. Lilien allait répondre à la question de son vati, et il allait falloir encaisser la petit crise de Sa Majesté Beilschmidt, le plus fier de tous les allemands. Plus les secondes s'écoulaient, plus c'était insoutenable. Le japonais souhaitait juste qu'on l'achève, que cela se termine. Finalement, à son grand soulagement, l'assiette du garçon fut enfin vide, et il ouvrit la bouche pour répondre, alors que Kiku fermait les yeux pour supporter ces mots terribles qui allaient bientôt provoquer une guerre civile:
▬ Je suis à Gryffondor!
La joie dans la voix de Lilien était évidente. Mais cela ne les sauverait peut-être pas. Face au silence qui accueillit cette déclaration, il rouvrit les yeux, essayant d'offrir un sourire mal à l'aise à son mari, mais il préssentait que cela ressemblait sûrement à une grimace. Il attendit une réaction, un mot, une explosion, n'importe quoi qui exposerait l'avis du père de famille sur cette nouvelle.
Feat Ludwig and Lilien Beilschmidt
Kikoo, la victime
Mon personnage Citation: "One is not born a wizard, one becomes one"
"It is our choices who show us who we truly are" -Albus Dumbledore
Berlin - 2010
Les yeux fixés sur l'allemand, il attendait. Une réaction, un éclat de voix, le moindre indice qui marquerait le mécontentement de Ludwig. Il savait que ce ne serait pas facile pour lui, qu'il lui faudrait du temps pour digérer la nouvelle. Peut-être même irait-il crier au scandale directement à l'école, demandant à ce que l'on change immédiatement son fils de maison. Et même le bon professeur de botanique ne pourrait l'empêcher de débarquer à Poudlard pour piquer sa crise, aveuglé par une colère noire. La rumeur allait sans doute se répandre parmi les enseignants, et il ne se passerait pas un jour du trimestre sans que l'on lui rappelle en se moquant la magnifique protestation de son mari. Mais pour l'heure, avant de penser à la perte du peu de réputation qu'il avait pu se construire ces quelques années, il patientait toujours, craignant le moindre bruit qui viendrait briser ce silence pesant.
Mais aucun son ne franchit les lèvres de Ludwig. Seule l'expression sur son visage traduisait l'horreur qui s'insinuait peu à peu en lui. Ses yeux s'agrandissaient, ses sourcils se plissant dans un froncement indigné, et il ouvrait la bouche sans pour autant prononcer un mot, comme un poisson hors de l'eau. Dans sa tête semblaient défiler tous les inconvénients de cette affectation, et dont Kiku avait si souvent lui aussi entendu les récits: les chambres sales et mal rangées des Gryffondors, les vêtements éparpillés, le boucan constant dans la salle commune, les carreaux brisés laissant entrer un souffle glacé d'hiver... Wilhelm leur avait suffisamment raconté l'état lamentable dans lequel se trouvait le dortoir de son petit ami. Et ce qu'il en racontait avait de quoi donner des frissons à n'importe quel Serdaigle habitué à l'ordre et à la propreté. Imaginer leur fils se transformer en un lion téméraire et vantard était déjà assez angoissant, mais le voir vivre dans une telle insalubrité était inacceptable. Et c'était sans aucun doute la pensée qui traversait l'esprit de Ludwig, alors qu'il restait toujours bouche bée, visionnant sans doute le gâchis, le handicap que ce serait pour les études de Lilien. Finalement, il ne put prononcer qu'un mot, encore assommé par cette annonce. Comme s'il souhaitait qu'on le démentit, que l'on crie à la plaisanterie pour le rassurer et finalement affirmer que le petit garçon avait été placé à Serdaigle.
▬ Gryffondor...
Enfant naïf qu'il était, Lilien ne se rendait pas encore compte qu'il venait de lâcher une bombe à retardement dans sa famille. Il ne faisait pas attention à l'expression de son vati, prenant sans doute son ébahissement pour de l'admiration face au prestige que représentait son appartenance à la maison rouge et or. Rien n'aurait pu tarir son enthousiasme.
▬ Oui ! Et je me suis déjà fait trois amis ! Deux sont dans mon dortoir !
Cela ne sembla pas rassurer Ludwig. Du tout. Il semblait même de plus en plus inquiet, son effarement grandissant un peu plus à chaque seconde. Les autres élèves, parlons-en! Avec quel genre d’énergumènes leur enfant allait-il partager les dix prochaines années de sa vie? Parviendrait-il tant bien que mal à se lier d'amitié avec eux, pour au final se retrouver impliqué dans les quatre cent coups de ses camarades, ou deviendrait-il le souffre-douleur, trop différent, trop calme par rapport aux autres, tel un petit oisillon qui se ferait croquer par ces lionceaux à la première occasion? Mille craintes les saisissaient déjà, alors que Lilien avait passé une semaine à l'école sans aucun problème, et s'était déjà attaché à quelques collègues. Mais Ludwig restait perplexe. Il observait son fils comme s'il le voyait soudain sous un nouveau jour. Et Kiku faisait de même. Le petit garçon si sage et avide de connaissances qu'ils croyaient connaître n'était en réalité qu'une illusion. Un masque qu'ils avaient tenté d'imposer à leur enfant pour qu'il leur ressemble. Ils voulaient qu'il soit studieux, ambitieux, compréhensif, à leur image. Mais à l'évidence, il ne leur ressemblait pas autant qu'ils le pensaient. Il avait toujours débordé de vie, aimé s'amuser, et rejeté les enseignements que ses parents avaient essayé de lui inculquer. Et ce n'était pas faute d'avoir essayé...
Kiku retint un énième soupir, le calme parfait et apaisant du jardin brisé de nouveau par les geignements de son fils. Voilà presque dix minutes que Lilien lui tournait autour, lui demandant de s'amuser avec lui. L'enfant souhaitait interpréter le rôle d'un Auror courageux qui courait après un méchant sorcier, joué par son père, et engageait un duel magique épique. Mais il ne semblait pas accepter le fait que ce dernier soit déjà occupé à prendre soin des lys plantés à l'arrière de la maison, et auxquels il tenait énormément. L'hiver était de plus en plus proche, et ils semblaient se faner un peu plus chaque jour, leurs pétales flétris et jaunis retombant tristement sur leur tige. Il grimaçait chaque fois qu'il les voyait dans cet état. Il avait réussi à les faire survivre presque 9 ans, les fleurs ayant été plantées à la naissance de son fils. Mais malgré ses compétences, les plantes semblaient ne pas pouvoir tenir le coup, quoi qu'il fasse. Il ne pouvait supporter de les voir mourir ainsi. Et Lilien qui s'agitait derrière lui n'arrangeait rien.
▬ Allez, allez, on joue! Je vais jouer Claude Tournoeil, le célèbre Auror! Et toi, tu- ▬ Lilien, s'il te plaît, je suis occupé... le coupa son père, espérant calmer un peu sa frénésie.
Son fils s'arrêta de bouger et gonfla les joues, une habitude qu'il avait prise du japonais lorsqu'il était contrarié. Il observait les jardinières avec lassitude.
▬ Mais tu t'en occupe tous les jours... Aujourd'hui, il faut que tu t'occupes de moi!
Il était indigné de voir que son papa avait plus de considération pour ses minables fleurs que pour son propre fils. Et si d'ordinaire, Kiku aurait trouvé son besoin d'attention attendrissant, ce jour-là, il n'était clairement pas d'humeur. Pour l'obliger à se taire, il attrapa son fils par le bras et le força à s'asseoir près de lui. L'enfant se tut d'un coup, surpris par ce geste qui ressemblait si peu à son père. D'ordinaire, il était toujours très doux, attentif. Il devait vraiment être énervé pour se comporter ainsi. Pourtant, en un instant, la mine sombre et abattue du japonais laissa place à un visage souriant. Il désigna les plantes à son fils pour qu'il les observe.
▬ Tu vois, Lilien, les plantes ont besoin que l'on s'occupe d'elles tous les jours. Elles sont bien plus fragiles que les humains et ont du mal à survivre lorsqu'il fait trop froid, ou trop chaud, ou qu'elle manque d'eau, d'engrais. Tu vois, toi, quand tu as soif, tu peux attendre un peu et te retenir de boire quelques heures. En revanche, si ces lys ne reçoivent pas d'eau, cela peut leur être fatal...
Il continua son blabla, accompagnant ses mots de quelques gestes pour les fleurs, les tapotant parfois du bout de sa baguette ou appliquant un quelconque liquide sur leur hématite, ce sourire toujours accroché à ses lèvres. Si l’intérêt et la passion de son père pour la botanique retinrent un moment l'attention de Lilien, il finit tout même par décrocher, grattant un petit carré de terre avec un bâton pour y chercher des insectes. Son père continua dans son délire, alors que le petit allemand trouvait tout cela assommant.
▬ Et ce qu'il est aussi très important de savoir, c'est que- Lilien, tu m'écoutes? s'interrompit le japonais, voyant que son fils était distrait.
L'enfant lui répondit d'un grommellement tout à fait semblable à ceux que Ludwig lançait parfois, quand il était contrarié.
▬ J'm'ennuie...
Kiku le regarda avec effarement, la botanique étant à ses yeux l'une des merveilleuses joies de l'existence.
▬ Tu t'ennuies?... Mais c'est très intéressant, pourtant! Et puis c'est le cours que tu auras avec moi à Poudlard! Il vaut mieux commencer à apprendre maintenant pour- ▬ J'en ai rien à faire des fleurs! cria-t-il en se relevant d'un bond. Moi je veux jouer! ▬ Lilien... ▬ Je veux être l'Auror Tournoeil, ajouta-t-il en agitant ses bras dans tous les sens, comme si le combat avait déjà commencé. Et toi tu seras un Sans-Visage! ▬ Lilien!
Le ton de son père le fit taire tout de suite. Il cessa de gigoter, regrettant déjà ses mots. Son père le regardait avec effroi. Il aurait dû réfléchir avant de parler. Il savait que c'était un sujet sensible pour Kiku, mais pris dans son élan, il n'avait pas mesuré ses mots. C'était le genre de choses dont on ne parlait pas avec tant de légèreté, pas comme d'un jeu, et surtout pas quand on n'avait 9 ans et qu'on ne savait pas de quoi il retournait. Confus, il balbutia, semblant se ratatiner:
▬ Je... excuse-moi! J-je ne voulais pas dire... ▬ Je sais. Ce n'est pas grave.
Son ton était sec, et il avait détourné le regard, se concentrant de nouveau sur ses plantes. Son fils l'avait définitivement contrarié, et ne savait pas comment rattraper cette bêtise. Il resta là, debout près du japonais, se demandant quoi faire pour être pardonné. Il remarqua que pour s'occuper l'esprit, et oublier ce qu'il venait d'entendre, Kiku arrachait les mauvaises herbes qui poussaient aux pieds des lys, essayant de prendre possession des tiges. Il se piquait les doigts mais s'en moquait. Cela faisait aussi partie de son travail. Et cette brûlure le détournait d'une autre douleur, bien plus profonde. Prenant sa décision, son fils se rassit près de lui, et commença à lui aussi retirer les petites herbes sournoises qui sortaient à peine de terre, pour les empêcher de faire du mal aux plantations de son papa. Ce dernier finit par le regarder, surpris, avant qu'un léger sourire ne revienne décorer son visage. Il passèrent une petite heure ainsi, à enlever les parasites, à asperger les fleurs de produits curatifs, pour qu'elles retrouvent une forme éclatante. Et même si cela n'intéressait pas Lilien, et qu'il avait les doigts couverts d'ampoules et d'épines, il était au moins content d'avoir prêter main fort à son père et de lui avoir remonté le moral.
Ce jour-là, l'enfant avait appris à ne pas parler à tord et à travers de ce qu'il ne connaissait pas... mais cela n'avait en rien accru son intérêt pour la botanique. Kiku s'était même fait réprimander par Ludwig car leur fils avait désormais les mains couvertes de pansements. Il était sûr que ce serait une excuse pour frimer à l'école, prétendant qu'il s'était battu contre un quelconque dragon qu'il avait finalement dompté. Et sa réaction par rapport à l'Histoire de la Magie était similaire. Il trouvait ennuyeux de devoir retenir les dates, les noms des guerres et des généraux célèbres. Il se moquait de savoir que les gobelins s'étaient un jour rebellés, ou qu'un vieux barbu avait découvert les douze propriétés du sang de dragon. Lui voulait apprendre à se battre, à devenir courageux et fort. Comme n'importe quel Gryffondor le ferait... Il avait encore du mal à le croire, et pourtant, toutes les preuves étaient là. Et Ludwig semblait avoir autant de mal que lui à y consentir, alors qu'il répétait, sous le choc:
▬ Gryffondor...
Le japonais remarqua que Lilien commençait à être inquiété par ce silence. Finalement, ses parents n'étaient peut-être pas si heureux pour lui? Après tout, ils avaient passé son enfance à ne lui parler que des autres maisons, comme si elles valaient mieux que celle qu'il avait intégrée. Peut-être qu'ils souhaitaient le voir aller ailleurs... Il scrutait le visage de son vati, attendant le moindre mot qui pourrait dissiper ses craintes, ou les avérer. Mais, peu à peu, l'air ahuri, contrarié de l'allemand disparut, laissant place à un sourire, un peu triste, mais un sourire tout de même. Il semblait avoir finalement réfléchi et accepté l'idée. Kiku pouvait comprendre ce qu'il ressentait. Leurs pensées comme connectées, lui aussi se rassurait en se disant que tout irait bien. Il s'agissait de Lilien Suzuran Volkmar Gilbert Beilschmidt. Le fils de Ludwig Beilschmidt et de Kiku Honda. Il était sûr que jamais il ne les décevrait. Peut-être pendant un instant avaient-ils eu peur d'avoir fait un erreur dans son éducation. De l'avoir mal élevé, et d'avoir ainsi forgé un enfant écervelé, imprudent et surexcité. Mais ils savaient tous deux qu'il n'en était rien. Leur garçon ne les décevrait pas. Ce n'était pas car il avait été affecté à cette maison que son comportement changerait, ou qu'il perdrait sa capacité à réfléchir correctement. Non, il suivrait toujours le droit chemin, comme ils le lui souhaitaient. Il l'avait dit lui-même. L'Auror qui combattait le Sans-Visage. Le gentil qui combattait le méchant. C'était tout ce que désirait Kiku: qu'il soit le gentil de l'histoire. Qu'il devienne un héros, comme ses rêves le lui commandaient. Et au cas où, ses deux papas seraient derrière lui si jamais il se perdait en chemin. D'ailleurs, Ludwig commençait déjà, remplissant parfaitement son rôle:
▬ Promet moi une chose, Lilien. Agis toujours justement, fais preuve de courage, et représente ta maison en bien.
Son fils acquiesça, son visage s'illuminant. Il n'y avait finalement aucun problème. Ses parents semblaient heureux pour lui, et cela lui mettait du baume au cœur, et l'encourageait d'autant plus à faire de son mieux dans sa nouvelle famille. Mais comme tout Beilschmidt qui se respecte, le père ne pouvait achever ainsi sans glisser une remarque ennuyeuse au passage:
▬ Et pour ce faire, baisse toujours d'un ton et range ta chambre.
Cela fit rire les deux autres. C'était comme ça que Kiku aimait cette maison: pleine de joie de vivre, d'éclats de rire, d'étreintes... et de bons gâteaux préparés par l'allemand. Gâteaux qui n'avait d'ailleurs pas bougé de leurs assiettes, si l'on excluait celui de l'enfant qui avant presque entièrement disparu dans sa bouche. Le japonais pris ceci en excuse pour se rendre à la cuisine et dire deux mots à son mari.
▬ Oh, ma part est déjà froide... La tienne doit l'être aussi, Ludwig, il faut aller les réchauffer. Viens m'aider.
Son ton était doux, néanmoins, son regard ne laissait aucune place à la discussion. Il se leva de sa chaise, prenant les deux récipients, et se dirigea vers la cuisine, s'attendant à ce que l'allemand le suive. Une fois passé dans la pièce à côté, il posa le tout sur le comptoir, s'appuyant sur ce dernier, les jambes légèrement tremblantes. Sa pression était retombée d'un coup en contemplant la risette de son mari. Il était terriblement soulagé. Une dispute à ce stade aurait été un mauvais départ pour leur fils. Mieux valait qu'il attaque ses cours dans le meilleur état d'esprit possible. Une fois Ludwig près de lui, il vint s'appuyer contre son torse, fermant les yeux.
▬ Je suis rassuré... J'avais si peur que tu le prennes mal. Quand Lilien a été envoyé à Gryffondor, j'imaginais déjà ta réaction. Je suis heureux que tu l'ai accepté...
Bien sûr, il ne va pas préciser qu'il avait retardé l'échéance exprès pour éviter la colère de Ludwig. S'il avait pu faire en sorte que le week-end s'écoule ainsi, sans avoir à provoquer la discussion, Kiku en aurait été le premier ravi. Au final, mieux valait que tout soit réglé maintenant, puisqu'il n'y avait pas matière à s'inquiéter... Poutant, au fond, le japonais restait tout de même anxieux..
▬... Ça va aller pour lui, tu crois?... Vraiment? Mon petit garçon...
Il comprenait la douleur et la tristesse de Ludwig chaque fois que Lilien refusait que l'on lui lise une histoire, ou qu'il faisait le grand. Lui aussi avait l'impression que son bébé, si fragile au début, réclamant tant d'attention et de soin, était presque entré dans l'adolescence, et volait déjà de ses propres ailes en quittant le chemin que ses pères avaient tracé pour lui.
Feat Ludwig and Lilien Beilschmidt
Kikoo, la victime
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Berlin - 2010
En sentant les bras de son mari l'entourer, une bonne partie de son anxiété s'envola. Il était fou de voir qu'un simple câlin pouvait faire autant de bien. Pourtant, ce n'était pas grand chose, juste un contact prolongé entre deux personnes. Et Dieu savait que Kiku avait été élevé hors de ce genre d'affections, qu'il avait longtemps crues futiles et sans intérêt. Il se rendait compte avec ses amis, et surtout avec Ludwig à quel point il avait eu tord. Rien ne l'apaisait plus que de se laisser bercer par les bras d'autrui, de surcroît quand cette personne était aussi confortable qu'un nounours. Pour accompagner cette étreinte rassurante, Ludwig répondit à ses interrogations, tentant de le convaincre que tout irait pour le mieux, et que Lilien avait toujours été ainsi: un petit aventurier têtu et joyeux. Il souleva son menton pour qu'il le regarde dans les yeux et intègre au mieux ce qu'il lui dirait -si Kiku parvenait à ne pas se perde dans son regard.
▬ Ce n'est pas comme si nous pouvions prévoir tout son futur, malheureusement... Il a son caractère, sa propre liberté. Et il vient de nous le démontrer, en s'éloignant ainsi de nos projets pour lui.
Cela aurait été si simple... Pouvoir prévoir à l'avance les obstacles qui se dresseraient sur sa route, pour pouvoir l'en protéger et faire en sorte qu'il ne lui arrive rien, qu'il n'ait jamais à subir la moindre perte, ou la moindre tristesse, contrairement à ses parents. Il manqua de se laisser aller à ses souvenirs d'années étudiantes, ou tant de choses étaient allées de travers, mais la sonnerie du micro-onde annonçant que les parts étaient chaudes l'en empêcha, fort heureusement, ainsi que son mari qui reprit la parole pour achever de le détendre.
▬ Plus la peine de mentir, Amsel... Il est fait pour Gryffondor. Quand j'y pense, il m'est impossible de le voir autre part. Nous n'avons plus qu'à l'éduquer au mieux pour qu'il ne soit pas trop bruyant, en espérant qu'il retienne au moins cela.
Ces derniers mots lui donnèrent un petit sourire. Il se rappelait tous ces amis Gryffondors qu'il avait cotoyés au collège, et qui pour lui valaient autant qu'un quelconque Serpentard, ou Poufsouffle, ou même Serdaigle. Chaque maison avait ses défauts, mais contrairement à Ludwig, il ne pensait pas que la maison rouge et or ne possédait aucune qualité. Il se rappelait Elizaveta, parfois garçon manqué, bagarreuse, mais toujours brave, fonceuse, avide de victoire; Matthew, parfois trop discret, ou au contraire trop violent lorsqu'il parlait de sport, mais toujours de bons conseils, gentil, courageux à sa manière; Kyosuke, qui était... Kyosuke. Parfois intrusif, parfois irréfléchi et avec de mauvaises idées, mais aussi stratège, calculateur, encourageant. Tous étaient différents mais chacun avait cette petite chose, ce petit trait de caractère qui faisait la différence et en faisait une personne agréable. Bien sûr, que ce soit à Gryffondor ou ailleurs, il y avait toujours des personnes avec qui Kiku ne s'entendait pas et ne s'entendrait jamais, peu importe à quel point on vantait leur mérite et leurs qualités, un peu trop dissimulées à son goût. Il pensait par exemple à Saïda ou à Sacha. Il avait fait l'impasse sur sa relation avec eux, pour éviter la moindre querelle. Il partageait désormais avec eux une indifférence polie, et cela leur convenait très bien. Mais Ludwig avait raison. Peu importe le bien ou le mal qu'ils pensaient de la maison des lions, il fallait accepter l'affectation de Lilien: il était fait pour ça. De son caractère à sa baguette, en passant par son animal de compagnie parfois furibond, de ses jeux à l'insigne qu'il portait désormais, tout son être criait qu'il appartenait à Gryffondor, et à rien d'autre. Il soupira une dernière fois d'un air amusé.
▬ Tu as raison... Et puis, comme tu le dis, nous serons là pour lui. Je serai à l'école pour le surveiller, s'il y a le moindre problème, et je te ferai part de tout ça en rentrant le soir.
Car évidemment, Kiku avait l'intention de retourner chez lui une fois sa journée de cours terminée. Pendant l'absence de Ludwig, et alors qu'il venait de commencer son travail, il avait refusé de dormir dans la chambre portant son nom à Poudlard, sauf cas exceptionnel. Il voulait que la maison qu'il avait achetée en Allemagne vive, malgré sa solitude entre ses murs. Il ne pouvait pas laisser les meubles prendre la poussière en attendant le retour de l'allemand. Il fallait qu'il s'y sente déjà chez lui en arrivant. Et quand son mari était revenu, Kiku avait décidé de ne plus jamais le laisser. Ainsi il rentrait tous les soirs après son travail, le transplanage lui permettant de se téléporter de l'Ecosse au pays de l'Est en une seconde, d'être dans ses bras en dix, et de dormir près de lui une fois l'heure du coucher venue. Et comme il le disait, il pourrait lui rapporter les nouvelles concernant Lilien: comment il s'en sortait dans les autres matières, qui étaient ses amis... Kiku était sûr que son fils aurait toujours besoin de leur aide, même si parfois, il lui arrivait de s'emporter et de leur dire des choses qu'il ne pensait pas, pour les blesser et leur faire ressentir sa frustration. D'ailleurs, pas plus tard que cette semaine, le petit allemand avait sollicité son aide...
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Il s'affala sur une chaise, posée dans un coin de la serre. Sa première journée de cours de l'année venait de s'achever. Enseigner face à un classe était pire qu'on ne le pensait. Ces petits sorciers amateurs vous fixaient tous de leurs yeux avides, cherchant la moindre faiblesse dans votre présentation pour se moquer de vous. Une syllabe de travers, un vêtement mal rentré ou boutonné, et vous voilà avec un surnom désobligeant pour le reste de l'année. Il avait déjà subi ce problème, quelques années plus tôt, lorsque son ancienne professeure de Défense contre les Forces du Mal, passant à Poudlard, le croisa dans un couloir. Elle l'avait alors reconnu et appelé par le nom qu'elle avait associé à son visage, et qu'elle n'avait jamais corrigé malgré les remarques de Kiku: Toyota. Manque de bol, un de ses élèves moldus n'était pas loin et s'était empressé d'aller tout raconter à ses camarades. Ainsi, tout le long de l'année, cette classe de Serpentards l'avait désigné ou appelé par cette amusante formule: Mr. Toyota. Et tous savaient que son autorité ne tenait pas à grand chose, et qu'ainsi il n'oserait pas les réprimander. Ce qu'il ne fit pas. Francis s'en amusa d'ailleurs tout le long de l'année. Cette mauvaise blague avait fini par prendre fin, heureusement, les élèves se lassant sans doute de faire toujours la même plaisanterie. Kiku espérait cette fois pouvoir passer une année scolaire sans pseudonyme humiliant, sans chewing-gum sous les tables de la serre, et sans élève cancre qui détériorait ses plantes en s'en fichant autant que la révoltes des gobelins. Il avait parfois ramassé une plante extrêmement rare dans un état déplorable car un étudiant lui avait trop donné à manger, ou n'avait pas respecté la quantité de produit à lui appliquer. Et c'était à lui de les remettre sur pied à l'heure du repas, alors qu'il aurait dû manger avec les autres professeurs, ou le soir, alors qu'il devait corriger les devoirs rendus par ses apprentis botanistes. Ce jour-là, heureusement, aucun incident n'avait été à déplorer. Une grande partie de la leçon s'était concentrée sur la théorie, puis les élèves avaient juste eu à observer le comportement d'une fleur lorsqu'on la privait de soleil. Rien de bien compliqué. Il avait donc sa soirée de libre. Tout ce qu'il avait à faire était de ranger la serre, puis de rejoindre les chambres professorales. Il faisait toujours cela la première semaine, pour pouvoir préparer ses cours dans le calme. La petite bibliothèque réservée aux professeurs était une mine d'or non négligeable pour qui souhaitait s'organiser à l'avance, alors il ne s'en privait pas. Pour l'heure, il nettoyait les tables, tirait les rideaux de la serre, nourrissait et arrosait les quelques plantes qui en avaient besoin. Mais alors qu'il bouclait son sac, le rangement enfin fait, il entendit quelqu'un taper au carreau de la porte en verre. Se demandant qui pouvait bien lui rendre visite à une telle heure, il alla ouvrir... et se retrouva face à son fils.
▬... Lilien? s'assura-t-il, effaré de le trouver là. ▬ Papa, il faut que tu m'aides! ▬ Qu'est-ce que tu fais ici? Le couvre-feu est passé depuis-! ▬ Je sais, je sais, mais s'il te plaît, j'ai absolument besoin de ton aide! le supplia l'allemand, les mains jointes en signe de prière. ▬...
Cela avait l'air sérieux. Il lui fit signe de rentrer et referma derrière lui histoire de ne pas être surpris par un autre enseignant un peu trop curieux.
▬ De quoi as-tu besoin?
Ses interrogations quant à la présence de Lilien s'était déjà envolées. À présent, il était inquiet. L'enfant devait avoir une très bonne raison d'être là aussi tard. Son fils avait besoin de lui. Avec un air anxieux digne de son père, le Gryffondor lui montra un manuel qu'il tenait entre ses mains, tapotant la couverture avec empressement.
▬ Je n'arrive pas à faire mon devoir, j'ai besoin de toi! ▬... Ton-? ▬ J'avais peur que mes copains se moquent de moi s'ils voyaient que je ne savais pas, alors je suis venu te voir!
Kiku n'en croyait pas ses oreilles. Il était vrai qu'il aidait parfois Lilien à faire ses devoirs de primaire, une fois rentré de Poudlard. Mais à présent, les choses étaient différentes. Il n'avait plus ce rôle.
▬ Non... Non, Lilien, je suis ton professeur, maintenant! Tu ne peux pas me demander de faire tes devoirs à ta place! C'est comme si tu allais voir ton professeur d'Histoire de la Magie au milieu de la nuit pour lui demander de t'aider! C'est ridicule, ça ne se fait pas! ▬ Pourtant, tous nos professeurs disent que c'est bien de poser des questions et qu'il ne faut pas hésiter à demander... ▬...
Mauvais exemple. Le japonais avait toujours été le genre d'élève à ne jamais déranger un enseignant en l'interrogeant quand quelque chose lui échappait ou qu'il n'avait pas compris un détail. Lui allait chercher l'information par lui-même, sans importuner le pauvre hère qui en avait sans doute marre de répéter cinquante fois les mêmes choses. Il était évident que c'était ce qu'il ne fallait pas faire. C'était une perte de temps. Peut-être était-ce pour ça qu'il avait toujours était mauvais aux cours de Mme Alconahuacatl. Il ne parvenait pas à suivre correctement le cours, et peinait à rassembler des connaissances une fois rentré à la tour des Serdaigles.
▬... B-bref, je ne peux pas- ▬ S'il te plaît, papa! Onegai, onegai, onegai! l'acheva-t-il avec des yeux biches. ▬ M-mais...
Kiku ne le savait pas à cet instant, mais il avait déjà perdu. Il suffisait que son fils lui parle dans sa langue natale et qu'il prenne son air de chien battu pour le convaincre en toute circonstance. Après quelques secondes à se regarder ainsi, l'un hésitant, l'autre sûr de sa victoire, le père finit par pousser un soupir, tirant deux chaises devant son bureau pour venir s'asseoir sur l'une d'elle.
▬ Assieds-toi... Quelle est la matière qui te donne du fil à retordre? ▬ Potions! s'exclama son fils en s'installant près de lui, tout content d'avoir réussi à le faire céder.
Son papa se figea, le regard perdu dans les ignobles souvenirs de ces heures passées aux cachots. Il pointa brusquement la porte du doigt.
▬... Sors d'ici. ▬ Papa, non!
Il poussa un nouveau soupir, cette fois-ci plus exaspéré que résigné, se massant le front par avance, prédisant déjà le mal de crâne qui résulterait de cette séance d'aide aux devoirs.
▬... Je sens que je vais le regretter. Montre-moi.
Ils passèrent une bonne demi-heure à lire les exercices donnés, ainsi qu'à essayer de rédiger un plan de commentaire sur les effets de l'infusion d'armoise. Mais malgré tous ses efforts, malgré toutes les soirées de révision où il avait lutté pour intégrer les informations nécessaires à l'obtention de ses ASPICs ou de ses examens de doctorat, Kiku ne pouvait pas l'aider. Son fils comprit que quelque chose clochait lorsque son père resta deux bonnes minutes immobile, fixant la page ouverte du livre, à tenter de comprendre les instructions.
▬...Papa? ▬ Je... Je ne comprend rien. Je n'y arrive pas. ▬ Quoi, mais... Tu es professeur de botanique! s'indigna-t-il, frustré que même son paternel ne puisse pas faire quelque chose à cette feuille blanche. Tu dois bien savoir quelque chose là-dessus! ▬ La botanique et les potions sont deux choses différentes, Lilien! Et puis... sache que j'ai obtenu la mention nécessaire en potions de justesse, avoue-t-il, honteux. J'ai toujours détesté ça! ▬ Alors... tu ne peux pas m'aider? ▬... Pas vraiment, mon cœur. Je suis désolé, mais tu vas devoir demander de l'aide à tes amis.
Son fils afficha une moue déçue, contrarié. Il avait toujours vu son père comme le meilleur des professeurs, mais maintenant qu'il rentrait au collège, il se rendait compte que tout ça n'était qu'une illusion créée par son esprit d'enfant. À part s'occuper de ses fleurs à la perfection, Kiku ne savait rien faire d'autre. Ce n'était pas avec lui qu'il réussirait à remplir son parchemin. Il se leva donc de son siège, résigné à devoir retourner à son dortoir et s'humilier devant ses camarades pour avoir une réponse à ses questions.
▬ J'ai perdu du temps pour rien, dit-il en se dirigeant vers la porte, que son père lui ouvrait déjà pour avoir la paix. Mr Bonnefoy va- ▬ Et bien tu diras à Mr Bonnefoy que sa matière ne me sied guère! Bonne nuit, chéri.
Il lui déposa un dernier bisou sur le front pour ne pas avoir trop l'air de se débarrasser de lui, mais il était à bout. Cette entrevue avait réveillé sa frustration face à l'art des élixirs et des filtres, une haine dont il pensait s'être enfin débarrassé à la fin de ses études. Il referma la porte séance tenante, la verrouillant pour en interdire définitivement l'accès. Puis il emprunta une autre sortie pour rejoindre le calme de sa chambre au plus vite.
Ce n'est que quelques jours plus tard que Francis vint l'accoster à l'heure du repas, se plantant devant lui alors que Kiku s'apprêtait à enfourner dans sa bouche un délicieux morceau de bacon. Bras croisés, raide, le français ne semblait pas très content.
▬ Alors comme ça, on raconte à mes élèves que ma matière est nulle?
Le japonais faillit s'étouffer avec son bout de viande. Ah, le garnement! Voilà donc sa manière de se venger de l'indifférence de son père? Alors qu'en tout honnêteté, Kiku avait tout tenté pour l'aider, bien que ce fut sans succès. Il aperçut d'ailleurs son fils, assis à sa table, qui lui lança un grand sourire en croisant son regard, comme pour lui dire "Vengeance!". Le botaniste dû s'expliquer avec son collègue pour lui faire comprendre qu'il n'avait jamais dit une telle chose, et que ce n'était qu'un tour joué par le petit allemand. Cela fit rire Francis, qui lui avoua qu'il le savait déjà. Il savait que son ami de Poudlard n'aurait jamais dit une telle chose, mais cela l'amusait de le taquiner ainsi. Kiku se retint de réprimander son fils. Il l'avait plutôt mérité, dans un sens. Quand on est parent, même si l'on comprend autant de choses que son enfant dans un devoir compliqué -c'est à dire pas grand chose, en ce qui concernait le papa-, on se devait d'être tout de même derrière lui et de faire de son mieux. Il s'était clairement débarrassé de la corvée, de peur de retomber dans cette lassitude qui l'assaillait chaque fois qu'il échouait à produire quoi que ce soit dans cette matière maudite. Il s'était promis, depuis ce jour, de toujours faire le maximum pour venir en aide à son garçon.
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Se remémorer cette semaine où il avait manqué à son devoir de parent le mit mal à l'aise, lui tordant douloureusement le ventre. Mais il s'était promis de ne plus faire la même erreur. Il serait là pour son fils, pour son conjoint. Il avait enfin obtenu la vie paisible dont il rêvait, grâce à ses deux amours. Il avait attendu, mais cela en avait valu la peine. Hors de question de la laisser s'échapper à nouveau. Ce bonheur était le sien, désormais, et il comptait bien en profiter. Au fond, peu importe Gryffondor, ou Serpentard, ou n'importe quoi d'autre. L'essentiel était que son fils soit heureux et s'épanouisse dans le monde des sorciers. Comme pour accompagner ce calme, cette douce atmosphère, la délicieuse odeur du chocolat lui caressa les narines. Il eut un petit sourire, embrassant une dernière fois Ludwig avant de se détacher de lui, presque à regret.
▬ Allez, allons rejoindre Lilien. J'ai hâte de goûter à ce bon gâteau.
Désormais, son existence était semblable à cette part de gâteau: alléchante, pleine de bonnes choses, à dévorer sans fin. Et il comptait bien en profiter.
Feat Ludwig and Lilien Beilschmidt
Kikoo, la victime
Mon personnage Citation: "One is not born a wizard, one becomes one"