Tu aurais pu t'embaumer de la fragrance de ce parc durant le cours de potions mais ta patience avait entravé le mouvement de tes deux jambes. Le professeur avait pu faire face à la discrétion de ta présence au sein de la salle de classe. Tes prunelles s'étaient néanmoins entichées de la beauté du paysage offert par la fenêtre à proximité de ta place. Elles étaient emprisonnées par les couleurs crépusculaires saignant doucereusement le vaste firmament. Une palette flamboyante réchauffée la chaleur de l'orangée et mystifiée par la timidité d'un léger violacé. Ta paume vint soutenir ton menton tandis que les effluves de ton admiration croissaient progressivement. Elle déborderait tôt ou tard en un torrent de compliments intérieurs. Ta contemplation avait été interrompue d'innombrables fois pour permettre à tes paumes de se saisir des ingrédients requis et les agencer en la potion du jour. Ses effets s'étaient finalement manifestés pour annoncer la fin du cours et tes pas te menèrent aussitôt à l'extérieur de l'immensité du château scolaire. Tu préféras éloigner ta présence de l'ancienneté de cette bâtisse pour adosser ton dos contre le tronc effrité par le temps d'un imposant saule pleureur.
Tu aurais pu t'enliser dans l'apaisement d'un léger assoupissement mais tu ne le fis pas. Tes doigts s'enfoncèrent doucement au coeur de l'une des poches de ton pantalon et en sortirent un paquet de cigarettes accompagné d'un briquet. Tu embrasas une seule de sa flamme crépitante et la portas à tes lippes qui se resserrèrent sur la finesse de son corps rembourré d'une herbe nocive.  Tu aspiras silencieusement une généreuse bouffée que tu extirpas en un souffle délicat. Un petit panache de fumée se présenta à tes iris et s'évanouit très lentement dans les airs, porté vers de nouveaux horizons. Tu levas légèrement la tête vers la vaste étendue colorée de chaleureuses teintes en continuant à doucereusement t'intoxiquer.
On te surprit néanmoins à répandre la nocivité de cette fumée. Peut-être devrais-tu faire face à la ferveur d'une dénonciation que tu laisserais calmement ruisseler et meurtrir autant tes os et ta pulpe que ton esprit. Tes iris se concentrèrent sur ce visage que tu avais déjà croisé dans la grande salle. Ce canadien au palet appréciateur du sucré et au tempérament beaucoup plus vif que le tien. Une nouvelle bouffée nicotinique fut expirée en douceur et un agréable sourire tordit tes lippes.

Bonsoir Matthew. Tu me croises à un moment bien délicat.

Un autre petit nuage de fumée s'échappa de tes lippes tandis que la silhouette de Matthew se rapprocha de la tienne toujours aussi enlisée dans son propre calme. Tes prunelles le contemplèrent, à l'affût des raisons de sa venue dans cet endroit à cette heure qui se faisait tardive. Les existences se pressaient normalement à regagner la chaleur de leur foyer pour se complaire dans la continuité de leurs études ou s'assoupir doucereusement au coeur du moelleux de leur lit. Le canadien ne les avait pourtant pas rejointes dans ce quotidien presque robotique. Quels pouvaient bien être ses desseins en ces lieux embaumés de Dame Nature. Le cristallin de son rire frétilla contre chacun de tes deux tympans et tes lippes se déchirèrent en un doucereux sourire.

Même si je suis cette fois-ci dans la norme, il y aura toujours ceux capables de faire fuser des critiques à mon égard. Tu le sais, n'est-ce pas, les jugements si aisés à porter.

Ta paume virevolta lentement pour s'enfouir dans ta poche et exposer une fois de plus ton paquet de cigarettes. Désireux de le faire atterrir au creux des paumes du jeune homme, tu le lanças dans les airs. Libre à lui de l'attraper s'il était enclin à t'accompagner dans tes innombrables expirations toxiques. La nature devait certainement froncer les sourcils face à la ferveur de ta négligence exercée sur ta santé. Tu n'accordas pas vraiment d'importance à tout ces risques que tu n'hésitais pas à prendre. Tu te galvanisais d'assouvir tes envies beaucoup trop néfastes pour ta pulpe et tes os que pour les autres.

Ton regard s'attarda, parcourut presque lascivement le panache ensoleillé possédé par Matthew. Il était sublimé par les colorations chaleureuses dont s'était paré le firmament en attente de son noircissement par les bras de la nuit noire et mystérieuse. Tu admirerais les étoiles, les constellations, une fois de plus, peut-être cette fois-ci en la compagnie de ce canadien bien calme. Il semblait si apaisant à t'observer répandre ta fumée sur les arbres et les plantes. Ils tentèrent de la fuir de leurs frémissements mais elle était bien trop vive pour eux et leur colla aisément aux feuilles, aux fleurs, aux bourgeons.

Comment vas-tu depuis la dernière fois ?