Evalyn avait toujours aimé les bonbons.

Elle en mangeait d'ailleurs tous les jours, et elle n'avait jamais eu de problème avec ça. Même ses amis s'étonnaient de la voir avaler des quantités astronomiques de sucreries des fois, mais au final, ils avaient pris l'habitude de la voir se plaindre en suite en se tenant le ventre, gémissant des mots sans suite qui leur faisaient comprendre qu'elle ne se sentait pas bien. Néanmoins, elle n'avait jamais été "réellement" malade en mangeant trop de bonbons ..

Qu'importe, ce n'était pas vraiment le moment de penser à ça, puisque durant son cours de potions, elle était plus occupée à se tenir à carreau qu'à s'imaginer manger des cochonneries; le regard de Madame Alconahuacatl, qui tombait quelques fois sur Evalyn quand elle discutait avec ses camarades lui glaçait le sang. La fin du cours étant proche, elle se dépêcha de ranger ses affaires afin de quitter la salle en vitesse, comme si elle avait peur de se faire convoquer par l'enseignante, alors qu'au fond, elle n'avait pas grand-chose à se reprocher.

Et ... curieusement, quand elle débuta son excursion dans les couloirs de l'école, son regard tomba sur une boîte de bonbons abandonnée sur le sol .. Son propriétaire avait sûrement dû faire preuve de maladresse. L'Australienne s'abaissa alors et récupéra l'objet, l'observant sous tous les angles, un sourcil levé. Puis son regard parcourut les élèves qui étaient présents dans les corridors à cette heure. Personne ne semblait relever la présence de la petite boîte.. Et si elle en goûtait un ? Ce n'était qu'un bonbon parmi tant d'autres ...

Quoique .. ce n'était pas malpoli de faire ça ? .. Le propriétaire de la boîte devait réellement se faire du soucis.. La Serpentard haussa les épaules, désormais dans le doute. Enfin, après tout, elle pouvait vérifier s'ils n'étaient pas empoisonnés, non ? Nous connaissons tous cette excuse. Ni une ni deux, elle s'arma d'une des sucreries de la boîte et la porta à ses lèvres. Un délicieux goût de fruit prit possession de son palais, jusqu'à ce que .. sa vue devienne étrangement trouble et, prise de vertiges et de tremblements, Evalyn lâcha ce qu'elle tenait et porta ses mains à ses lèvres, paniquée. Des élèves qui se trouvaient là vinrent l'encercler sans forcément lui proposer de l'aide; si la petite avait eu l'opportunité de leur crier dessus afin de montrer son mécontentement, elle l'aurait fait avec plaisir, or là, la situation n'aidait pas.

Elle s'adossa contre le mur et se laissa glisser, et une fois entrée en collision avec le sol, ses yeux se fermèrent tandis que la demoiselle demeurait inconsciente. Elle ne put donc pas remarquer le jeune homme qui s'approcha d'elle afin de la porter, la conduisant jusqu'à l'infirmerie où Evalyn, toujours dans les vapes, fut prise en charge par madame Assan. Installée dans un des lits de la salle, elle mit une dizaine de minutes avant de s'éveiller et d'observer les lieux sans comprendre..

Son regard cibla immédiatement le garçon qui se trouvait près de son chevet, en pleine lecture. Oh, elle l'avait déjà croisé plusieurs fois, ce gars .. Comment s'appelait-il, déjà ? Lo.. Lovi, un truc dans le genre. Mais elle se souvenait déjà plus de son nom de famille.

"T'es Vargas toi, non ? J'peux .. savoir ce qu'on fait ici ?"

L'artiste plissa les yeux et croisa les bras comme elle avait l'habitude de le faire. Le vénitien n'avait pas l'air attentif malgré la question la jeune fille. Il avait l'air emballé par sa séance de lecture sur ... elle se pencha un peu, histoire de découvrir le titre de l'ouvrage. Son bouquin portait sur les animaux fantastiques. Un air jovial fit son apparition sur le faciès du plus âgé. Le contenu du livre était-il si intéressant que ça ? Il garda tout de même le silence même après quelques secondes .. L'avait-il au moins entendue ? Sur le coup, elle doutait. Mais elle n'allait pas se répéter une nouvelle fois avec un ton plus fort, après tout, ils n'étaient pas seuls dans l'infirmerie.

Il finit enfin par relever la tête lentement, sans vraiment ôter les yeux de son livre, peut-être que les mots couchés sur le papier étaient trop absorbants. Il la regarda et capta enfin la situation.

"-Ah ! tu es debout ! J-Je vais t'expliquer !
-J'me suis réveillée oui. Et ouais, explique-moi tiens, j'suis curieuse. Par contre j'te préviens, j'ai pas tout mon temps, on a cours après."

Au moins, c'était dit. Le jeune homme délaissa son livre et le laissa sur la table de chevet, se tournant vers Evalyn en adoptant soudainement l'attitude d'un enfant de 5 ans qui aurait fait une bêtise, peinant à avouer cette dernière à ses parents. Lorsqu'il tritura nerveusement ses doigts en fixant le plancher des yeux, Evalyn plissa les siens, convaincue qu'elle se trouvait face à une poule mouillée. Ceci dit, il avait l'air de vouloir avouer son erreur malgré tout.

"-En fait.... Si nous sommes ici, c'est à cause de moi. Vois-tu, j'ai par mégarde fait tombé une de mes boites de bonbons piégées dans le couloir et quand je suis revenue sur mes pas pour la récupérer, il était trop tard, du coup, je t'ai amené à l'infirmerie. Je suis rester là en attendant que tu te réveilles."

... Eh bien. Elle haussa un sourcil et passa une main dans ses cheveux, se débarrassant des draps fins qui recouvraient son corps. Dans un sens, Evalyn avait aussi sa part de responsabilité dans cette histoire. La curiosité était un vilain défaut, la gourmandise aussi. Et manger cette sucrerie n'avait pas été bénéfique pour elle. Du tout.

Un soupir lui échappa quand elle remarqua sans mal le sourire désolé se dessinant sur les lèvres du Serpentard. Il avait l'air timide, sur le coup. Pourtant, elle avait pu entendre maintes fois Lovino proférer des insultes à l'égard de ses camarades. Elle ne le connaissait pas tant que ça, mais la violence et l'agressivité permanente du brun la dérangeait parfois. Enfin, c'était un peu ironique, car Evalyn n'était pas la fille la plus douce et la plus chaleureuse de l'établissement ..

"Des bonbons piégés ? ... Pourquoi tu te baladais dans les couloirs avec ça, aussi ?"

L'infirmière lui intima discrètement l'ordre de se taire pour préserver le calme de la salle. Muette, elle s'assit alors sur le bord du lit et balança ses jambes dans le vide, toisant son "sauveur" des pieds à la tête. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouvait à l'infirmerie .. Enfin, elle n'était jamais venue pour cause d'évanouissement. Elle était plutôt abonnée aux sparadraps et autres compresses.

Il semblait plus ou moins crispé. Pourquoi donc ? Evalyn l'impressionait-il, dans un sens .. ? À cette pensée, un sourire espiègle et empreint de fierté naquit sur son visage qui avait très vite regagné ses couleurs initiales. La blancheur excessive de sa peau juste avant son malaise était bien effrayante.

"Il y a une personne que je déteste dans cette école, je ne peux vraiment pas le voir en peinture...  Bon, je suppose que je peux être franc avec toi. Dans la maison Serdaigle, il y a un type que je peux pas saquer, un enfoiré de première ! Dès qu'il ouvre la bouche, j'ai envie de lui dire "Ta Gueule", tu vois ? Mais le pire, ce n'est pas qu'on soit dans la même école, le pire dans cette histoire, c'est que ce con est un ami proche de mon idiot de frère ! Et vu que je le sens pas, pour espérer l'éloigner de mon fratello, je lui joue des tours avec différentes choses comme cette de boîte de bonbons par exemple et c'est pour cette raison que je me balade dans les couloirs avec ça."

Timidement, le fils du directeur débita alors ses explications. Quoique, il s'emballait peut-être un peu trop ... Cet "enfoiré de première" de Serdaigle ? Mais de qui parlait-il ? ... En écoutant le Serpentard, Evalyn appuya son menton contre sa paume de main en s'accoudant sur un de ses genoux, attentive. Elle devina aisément que "fratello" était l'équivalent de "frère", dans la langue natale de Lovino... Et avec cette pensée, elle se redressa doucement. Le préfet des Poufsouffle était bien son frère ... Et le seul Serdaigle qu'elle savait proche de ce dernier était Ludwig Beilschmidt, un ami à elle, et petit-ami de Feliciano Vargas. Elle devint sceptique au fur et à mesure des paroles de son interlocuteur qui terminait enfin son discours, lui apprenant donc que les bonbons étaient à l'origine un cadeau piégé pour Ludwig. Enfin, c'est ce qu'elle pensait.

Comme s'il était méfiant, Lovino s'agita un peu en lançant un regard sur l'infirmière qui s'occupait d'une élève blessée un peu plus loin. Evalyn toussota un peu comme pour attirer l'attention de l'italien sur elle.

"Dis-moi, ton ennemi juré, là... Est-ce que c'est Ludwig ?"

Elle trouvait ça étrange. Ludwig paraissait plutôt sympathique à ses yeux, et elle avait du mal à croire qu'il puisse être autant détesté.  Ceci dit, elle poursuivit.

"Si tu lui joues des tours si souvent, il va finir par se méfier de toi." Si ce n'était pas déjà le cas, bien sûr. "Et donc, tu comptais l'envoyer à l'infirmerie comme moi ?"

Elle le gratifia d'un sourire, tout de même amusée par les plans du jeune homme - quand bien même elle n'allait pas se joindre à lui pour embêter l'allemand, question d'amitié.

"... Enfin, Ludwig est préfet, après tout. T'as pas peur d'avoir une punition, ou quelque chose comme ça ? Tu me disais que tu aimais bien lui jouer des tours .. Mais imagine s'il va se plaindre auprès du directeur ?"

Après tout, si Lovino faisait autant de farces au Serdaigle, et ce fréquemment, Ludwig devait se douter depuis un moment que le brun était le fauteur de trouble. Il avait l'air très possessif, pour à ce point vouloir éloigner le Bleu et Bronze de son cadet. Enfin, dans un sens.. Evalyn se reconnaissait. Son propre frangin était un élève très apprécié pour sa joie de vivre et sa gentillesse, et il était souvent entouré d'amis. Et, jalouse, elle avait parfois une envie d'éloigner les proches de son frère pour qu'il puisse respirer un peu ...

En se souvenant de ça, elle plissa les yeux et laissa un silence planer entre eux durant quelques secondes. Puis elle releva doucement la tête pour le regarder, plus sereine, après les explications.

"Enfin, merci de m'avoir amenée à l'infirmerie, Vargas-.. Enfin, je peux t'appeler Lovino, maintenant ?"

En temps normal, elle n'aurait même pas demandé la permission. Mais il avait attendu son réveil et s'était excusé pour les désagréments causés, alors elle ne lui en voulait pas trop pour le moment. Elle balaya l'infirmerie de son regard ambré lentement, comme pour s'assurer qu'elle n'avait plus de vertiges.